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Photo du rédacteurgabriellehalpern

Tribune dans Ouest France: « Pourquoi avons-nous eu l’idée de concevoir ChatGPT ? »


"Nous parlons toujours des nouvelles technologies comme si elles constituaient une entité en soi, comme si elles avaient une existence propre, comme si elles étaient une altérité par rapport à nous. Mais ces machines, ces robots, ces logiciels ne constituent pas pour nous une altérité, puisqu’il s’agit de notre production, d’une part de nous-mêmes. La figure du cyborgn’est en aucun cas une « hybridation » de l’homme et de la machine, puisque l’hybridation, – la véritable hybridation -, implique la rencontre, l’entrecroisement d’entités distinctes, hétéroclites l’une par rapport à l’autre. De ce point de vue, il n’y a pas d’hétéroclicité entre l’être humain et la machine, comme il peut y en avoir entre deux animaux différents.


Cela pose plusieurs questions. Pourquoi cherchons-nous à copier l’intelligence de l’homme avec l’intelligence artificielle ? Pourquoi fabriquons-nous des réseaux de neurones à l’image de celui de notre cerveau ? Pourquoi avons-nous eu l’idée de concevoir ChatGPT ?


L’humanisme était une proclamation de la singularité humaine parmi les autres animaux ; l’anthropocentrisme, la déclaration de sa supériorité par rapport au reste du monde ; le transhumanisme est le moment où l’homme efface ce qui l’entoure au profit de réalités alternatives, affirme qu’il est le seul à exister et que, désormais, la seule relation légitime est celle de l’homme avec lui-même, – avec le risque que cela le conduise à se détruire lui-même.


Il ne se positionne plus par rapport aux autres animaux, par rapport au monde ou à la nature, il ne se positionne plus que par rapport à lui-même. En tentant de créer une puissance intellectuelle parfaite pour calculer, se remémorer, raisonner ou encore décider, l’être humain ne peut pourtant pas s’empêcher de se positionner par rapport à sa propre intelligence imparfaite et il ne fait que reporter ses caractéristiques cognitives et ses biais sur les machines qu’il imagine et conçoit (...).


Le transhumanisme n’est qu’une pulsion d’homogénéité de l’être humain. Ce n’est pas la recherche de l’altérité qui sous-tend cette quête, mais une médiocre, dangereuse et ridicule identité qui ne se lasse pas d’elle-même et qui est incapable de se régénérer. Nous pensons ressembler à des dieux, et, recherchant l’immortalité, l’omniscience et l’omnipotence, nous ne faisons que nous reproduire nous-mêmes", Gabrielle Halpern


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