Le 1er mai qui fête le travail est l’occasion de nous interroger sur ses profondes transformations. On entend de plus en plus souvent dire que les jeunes générations ont un rapport complètement différent au travail, qu’elles sont paresseuses et que la valeur-travail n’a plus aucun sens pour elles… Vrai ou faux ?
Il convient tout d’abord de constater que ce type de propos sort systématiquement de la bouche de générations plus anciennes… ! Ce regard négatif sur la jeunesse n’est pas nouveau, puisque Socrate déjà disait que « nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l'autorité et n'ont aucun respect pour l'âge. A notre époque, les enfants sont des tyrans ». Hésiode en 720 avant l’ère chrétienne écrivait : « je n’ai plus aucun espoir pour l’avenir de notre pays si la jeunesse d’aujourd’hui prend le commandement demain, parce que cette jeunesse est insupportable, sans retenue, simplement terrible ».
Cela étant dit, il semblerait que, loin d’être paresseuses, les nouvelles générations soient beaucoup plus exigeantes dans leur rapport au travail. Ce que les générations précédentes acceptaient de la part des entreprises ou des administrations dans lesquelles elles travaillaient est effectivement remis en question par notre jeunesse. En réalité, ce sont plusieurs dogmes du travail qui sont interrogés. Le premier qui est celui du triptyque « à une formation, correspond un diplôme se traduisant en un métier que je vais exercer toute ma vie », - ce triptyque est terminé, les jeunes veulent vivre mille vies professionnelles en une ! Le second est celui de la division du travail. Adam Smith nous avait promis que cela augmentait la productivité, - soit dit en passant, il n’avait rien inventé, car Platon, des siècles avant lui, disait que l’« on fait mieux une chose lorsque chacun ne fait qu’une seule chose » -, sauf que les jeunes générations comprennent que ce que l’on gagne en productivité, on le perd en sens et en temps avec une difficulté terrible à se coordonner et à partager des informations. Les jeunes générations vont inventer l’hybridation du travail[1]. Ils n’ont aucun mal à être des « centaures »[2], c’est-à-dire à avoir un pied dans plusieurs mondes. Et si l’on arrêtait de regarder notre jeunesse avec des yeux désespérés ? Et si on lui faisait enfin un peu confiance? (...).
[1] Gabrielle Halpern, « La Fable du centaure », Humensciences, 2022 (Bande dessinée illustrée par Didier Petetin). [2] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.
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