
A l'occasion du Salon International de l'Agriculture, découvrez le livre coécrit par la philosophe Gabrielle Halpern et l'ancien Chef de l'Elysée, Guillaume Gomez, Ambassadeur de France pour la gastronomie, l'alimentation et les arts culinaires: "Philosopher et cuisiner: un mélange exquis - Le Chef et la Philosophe" (Editions de l'Aube).
"Cette conversation aussi énergique qu’approfondie entre Guillaume Gomez et Gabrielle Halpern aborde des sujets divers comme l’éducation, notre rapport à la nature, la relation à l’autre, la place que l’on veut donner à notre alimentation ou encore les nouvelles manières de travailler. Un dialogue foisonnant et riche entre deux personnalités passionnées... et passionnantes !"
"Il faudrait qu’il y ait des petits bacs de potager dans les cours de récréation à l’école pour que les enfants comprennent comment poussent les légumes. Non, les carottes râpées ne poussent pas dans les placards ! Il devrait y avoir des cours de cuisine obligatoires à l’école pour apprendre aux enfants à cuire un œuf, des pâtes, des choses simples. Hybrider l’école et le restaurant ! Il ne s’agit pas d’en faire des cuisiniers, mais tout simplement de meilleurs citoyens. C’est une question de civisme, une question de savoir comment faire société. Et d’abord, comment je fais société avec ma famille, avec mon entourage ? Que l’on vive en famille ou en coloc’ avec quatre copains, à quel moment sur les quatre, il n’y en a aucun qui sait faire cuire un plat de nouilles ? Je trouve que ce ne serait pas bête de donner à chacun les moyens de son autonomie. Être libre, c’est aussi savoir faire des choses simples, repasser une chemise, un pantalon, coudre un bouton, apprendre à se faire à manger, à sélectionner des produits, à connaître la saisonnalité des produits, de quelques poissons. On ne perdrait pas son temps à éduquer la société, en disant : on t’apprend à cuisiner", Guillaume Gomez
"L’alimentation en général est un sujet politique, parce qu’elle est un choix de société (...). Aujourd’hui, le côté malbouffe en France, - si on doit définir ça comme de la malbouffe -, est un sujet sanitaire, de santé publique. Qu’est-ce qui fait qu’on n’a jamais eu autant accès à de la nourriture de qualité ? Ce n’est même pas une question de coût. Quand on me rétorque la question du coût, je dis : « vous savez, je rencontre des familles où ils sont quatre à manger sur un petit salaire et qui arrivent à mieux manger. C’est juste du bon sens, ils prennent le temps, ils cuisinent ». Ceux qui disent « je n’ai pas le temps de cuisiner »… Ah oui ? Tu regardes toutes les séries Netflix, tu joues aux jeux vidéo et tu n’as pas le temps de cuisiner ? C’est une question de choix – mais je respecte. Tu préfères mal manger et regarder tout Game of Thrones, c’est un choix. En revanche, derrière, tu ne peux pas te plaindre. Sur le même principe, à quel moment dans nos cinémas, on a décidé d’aller vers une offre gastronomique minable ? Tu vas regarder un film en France, tu auras du popcorn ! À quel moment, on ne se dit pas que l’on est en France et pas à New York ? Tu es dans un cinéma le Nord, on peut te filer du maroilles et des endives ; dans le Sud, on peut te filer des artichauts et des tomates cerises ! Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas réfléchir et proposer autre chose : des carrés de chocolat, des petits bouts de pain, du fromage, des fruits, des légumes, autre chose ? Non, tu arrives, tu n’as pas le choix, c’est grand soda et popcorn ! On ne te propose même pas un jus de fruit frais ou si on te propose un jus de fruit, c’est 250 balles. Tu achètes un jus de fruits, c’est de la feuille d’or… À quel moment on se dit qu’on est en France et que c’est ridicule de se calquer sur le reste du monde ? Il y a 50 ans, tu allais au ciné, tu pouvais apporter ta nourriture ; aujourd’hui, tu ne peux plus. Tu prenais l’avion, tu pouvais venir avec ton tupperware, aujourd’hui tu ne peux plus. Petit à petit, on te met dans une case et on te rapproche les murs, le sol et le plafond. Et après, on te dit c’est de ta faute ! Tu as vu l’obésité en France ? Oui, mais c’était quoi mon choix ?", Guillaume Gomez
"Pourquoi ne pas mettre des distributeurs de fruits dans toutes les stations de métro, dans toutes les gares ? Je pars du principe que si l’on veut que les gens aient du bon sens et du libre-arbitre, il faut les amener vers ça et les éduquer pour ça. Et ça passe par notre jeunesse, par l’éducation, en disant : voilà la nourriture, voilà comment ça marche ! Aujourd’hui, il y a un début de prise de conscience et peut-être que tous ces scandales sanitaires ont permis que les gens se disent : mais qu’est-ce que je mange ? À quel moment, j’ai mon niveau de responsabilité quand j’achète des lasagnes à un euro le kilo et que je me plains que ce soit du poney ? Tu veux que ce soit quoi dedans ? Ça ne peut pas être du bœuf ! Le bœuf, - même de la semelle -, ça vaut 6 ou 7 euros le kilo donc tu ne peux pas avoir à 1,50 euro un truc cuisiné, travaillé, emballé, où il y a déjà de l’aluminium, du carton, du plastique. Il y a déjà 1 euro d’emballage, donc 80 centimes de bouffe, qu’est-ce que tu veux que ce soit si ce n’est de la merde ? Tu es responsable de ça, tu cautionnes ça. Tu peux dire : « je ne savais pas »… Tu ne sais pas un certain temps, mais aujourd’hui tu ne peux plus dire « je ne sais pas ». C’est comme fumer en bagnole avec un gamin à côté, tu ne peux pas dire « je ne sais pas que ce n’est pas bon pour la santé », Guillaume Gomez
"L'avantage, la vision du Chef, c'est qu'on est en contact avec la nature, même si on est enfermé dans nos cuisines. Nous sommes rappellés à l'ordre, que ce soit par nos producteurs, par nos éleveurs ou par nos produits. On sait par exemple que c'est un non-sens aujourd'hui de faire du hors saison. Ce n'était pas le cas d’un Chef il y a 50 ans. Personne ne s'occupait de la saisonnalité. Personne ne s'occupait de la proximité. Tu étais Chef à New York, Chef à Paris, Chef sur la Côte d'Azur, tu pouvais faire la même carte et tu étais un grand Chef. C'était parfait ! Tu voulais mettre des asperges au mois de janvier, parce que c'était bien et ça faisait riche de les amener de l’autre bout de la terre. Tout le monde trouvait ça normal, parce que personne n'abordait ce sujet-là. Aujourd’hui, ça commence à être fini tout ça ! Déjà parce qu'on s'est rendu compte quand même que les produits, c'est lorsqu'ils sont de saison qu’ils sont les meilleurs. Ils sont moins chers, ils ont moins d’impact sur l’environnement, mais avant tout, c’est à ce moment-là qu’ils sont bien meilleurs ! En fait, ce qui a amené les Chefs à une réflexion écologique, au départ, ce n'est pas vraiment pour s'intéresser à l'écologie, vu que personne n'en parlait, c'est avant tout pour le bon goût. Qu'est-ce qui fait que le poisson, quand il fraie, il faut le laisser tranquille ? En plus, il est tout mou, il est moins bon. Si vous pêchez du bar en février ou mars, c'est là où il est le moins bon. Il est plein d’œufs, la peau est détendue, la chair est beaucoup plus flasque… Ça n'a pas de sens gustativement. C'est un non-sens écologique, on le sait maintenant, mais c'est avant tout un non-sens gustatif. C'est ça qui a amené les chefs à réfléchir en se disant : comment ça se fait que le poisson n'est pas bon ? Ils sont allés voir les gens qui savaient, parce qu’eux ne savaient pas que les poissons pouvaient pondre au mois de mars. Des fois, ils apprenaient ça, via la clientèle qu'ils avaient dans leur restaurant, via le maraîcher, via le producteur ou via l'éleveur. A un moment aussi, le maraîcher a commencé à aller parler aux chefs pour savoir quand le radis était meilleur, quand le poireau était plus tendre, quand est-ce qu’il avait plus de fraîcheur. Lui, il savait expliquer ce qu’il en était pour la nature, mais il ne savait pas comme ça se transformait. C'est le travail des deux qui nous a conduit à cette réflexion. Il y a des années en arrière, l'impact de notre alimentation sur la santé n’était pas du tout considéré. Au contraire, ça faisait bien d'être un peu gras – tu étais grassouillet si tu étais quelqu'un de la haute société. Et puis, quand on recevait quelqu'un, il fallait à tout prix l’engraisser, l’enivrer, parce que c'était comme ça qu’on recevait correctement. Si le gars ne se roulait pas sous la table, c'est que tu n'avais pas pris soin de lui, alors que c’est tout le contraire ! Il faut être à l'écoute et à l'écoute de l'autre, à l'écoute de la planète, à l'écoute du producteur, à l'écoute du consommateur. C'est comme ça qu'on évolue, pas en restant campé sur ses idées", Guillaume Gomez
Pour acheter le livre: https://www.leslibraires.fr/livre/20378081-philosopher-et-cuisiner-un-melange-exquis-guillaume-gomez-gabrielle-halpern-editions-de-l-aube

Comments