
Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
« Cela vous viendrait-il à l’esprit de manger un morceau de saumon à moitié décongelé ? Ou de porter des chaussures qui vous font très mal aux pieds toute une journée ? Ou de grelotter toute une nuit à cause de la fenêtre ouverte de votre chambre ? Non, bien sûr ! Mais si votre conjoint vous a dit d’attendre avant de retirer votre saumon de la casserole ou de ne pas porter ces chaussures-là parce qu’elles étaient trop neuves ou de fermer la fenêtre parce que vous pourriez prendre froid, il y a des chances que cela puisse vous arriver.
En effet, nous avons parfois un tel amour propre que nous sommes capables, juste pour prouver à l’autre que l’on avait raison, de s’enfermer dans une forme de bêtise ou dans une forme de folie, quitte à manger du poisson à moitié décongelé ! Ces scènes de la vie quotidienne, avec votre conjoint, votre enfant, vos parents, votre grand-mère, vos collègues, votre manager, vos amis, vous en avez sûrement vécue une, au moins une, dans votre vie. Ce sont des scènes dans lesquelles on comprend que l’on s’est trompé, malgré les mises en garde de l’autre, et cependant, on serait prêt à tout pour ne pas avouer qu’il avait raison. On serait prêt à toutes les folies pour ne pas entendre ce si sinistre, ce si effroyable, ce si insupportable : « je te l’avais bien dit » ! On serait même prêt à mourir de chaud toute une journée, parce que l’on n’a pas mis la bonne tenue, malgré les conseils de son entourage ; on serait même prêt à prendre une mauvaise décision stratégique pour son entreprise, en dépit des réserves de ses équipes. Tout, on ferait tout pour ne pas entendre ce « je te l’avais bien dit » !
Mais pourquoi un tel acharnement ? Pourquoi sommes-nous prêts aux pires bêtises, aux plus absurdes folies, pour ne pas perdre la face ? Au péché d’orgueil, nous ajoutons celui de l’entêtement. S’il s’agit d’amour propre, alors il ne devrait jamais prendre le pas sur le respect de soi ni sur l’amour des autres. Pourquoi est-ce plus difficile de reconnaître ses erreurs que de manger un morceau de saumon à moitié décongelé ?
Il se pourrait qu’il s’agisse d’autre chose que de l’amour propre : dans ces situations, ce qui est en jeu, c’est le pouvoir. Accepter que l’autre avait raison, c’est lui donner du pouvoir ou lui rendre une forme de pouvoir. La relation à l’autre devient belle lorsque le premier est prêt à remercier l’autre de ses bons conseils et que le second est prêt à ne pas humilier le premier avec son « je te l’avais bien dit » !
Cette question qui semble anecdotique ne l’est pas tant que cela et elle devrait nous faire collectivement réfléchir dans nos relations professionnelles, dans les enjeux géopolitiques ou encore dans la sphère politique…
Post scriptum : toute ressemblance avec une histoire vécue n’est pas forcément fortuite, mais je vous l’assure, dans l’histoire vécue, ce n’est pas moi qui aie mangé un saumon à moitié décongelé ! »
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