Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
« Est-il plus facile de pardonner ou de demander pardon ? Lorsque nous réfléchissons à la question du pardon, il nous vient toujours en tête de grandes fautes, de terribles méchancetés, d’ignobles actes qui viennent quelque peu troubler la pensée et « plier le match » pour utiliser une expression sportive ! Il est évident que lorsqu’il est question de viol, de torture ou de meurtre, la question du pardon quitte le confortable monde des idées et se heurte à la réalité du chagrin et à la dureté de l’impensable. Cependant, on ne saurait restreindre la réflexion à ces grands maux et il faut que la question du pardon embrasse aussi toutes ces maladresses, toutes ces petites mesquineries ou indifférences du quotidien que nous commettons sans parfois nous en rendre compte et qui font un mal fou à ceux qui nous entourent. Primo Levi a écrit une très belle phrase à ce sujet : « Peut-être chacun de nous est-il le Caïn de quelque Abel et l’abat-il au milieu de son champ sans le savoir, en lui faisant certaines choses, en lui en disant d’autres et en ne lui disant pas ce qu’il devrait lui dire ». Cette phrase donne beaucoup à méditer. Il est vertigineux de prendre conscience, d’imaginer, de savoir que nous avons blessé douloureusement des personnes proches et moins proches sans nous en rendre compte. Des questions que nous posons et qui viennent heurter un souvenir, rappeler un chagrin. Des regards que nous jetons ou que nous dédaignons de poser. Des petites phrases dites de manière anodine et qui vont détruire le courage d’un collègue, d’une voisine, d’un enfant.
Nous qui pourrions avoir le sentiment d’être impuissant dans ce monde qui semble de plus en plus nous échapper, nous devrions au contraire prendre conscience du pouvoir immense que nous avons à l’égard des autres. Par un geste que nous faisons ou que nous ne faisons pas, par un mot que nous prononçons ou que nous ne prononçons pas, par un regard, par un comportement, par un ton, par un sourire ou par des sourcils froncés, par tout ce que nous faisons et ne faisons pas, nous avons le pouvoir de ne pas blesser ou au contraire de provoquer du mal et des larmes. Oui, nous avons un pouvoir immense sur les autres… Et donc une responsabilité immense à leur égard. Si le philosophe Socrate avait raison lorsqu’il affirmait que « nul n’est méchant volontairement » , - une affirmation, soit dit en passant, qui n’en finit pas de faire couler de l’encre ! -, cela renforcerait encore cette idée selon laquelle la méchanceté est due à cette inattention aux autres, à nos inadvertances, à nos indifférences, à nos inconsciences. Nul n’est méchant volontairement ? Et pourtant, il nous arrive de l’être ! Notre responsabilité est donc immense. On entend toujours que les robots n’ont pas (encore) de conscience, donc ils ne sont pas des êtres humains ; mais nous, en avons-nous toujours de la conscience ? »
Pour écouter la chronique en entier, rendez-vous sur le site de RCJ: https://radiorcj.info/emissions/philosophie-gabrielle-halpern/
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