Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
A l’occasion de la Fête de la radio cette semaine, il est intéressant de s'interroger sur la signification de la radio et sur le rôle qu’elle tient dans nos vies...
La Fête de la radio est l’occasion de s’interroger sur le sens que ce média a dans notre vie. Et le sens… C’est d’abord le sens ; celui de l’ouïe. Un sens que certains philosophes n’hésitaient pas à critiquer. Philon d’Alexandrie écrivait que l’ouïe est « indigne de foi » et que « la vue, qui est infaillible, doit être préférée comme témoin à l’ouïe trompeuse »[1]. Cette méfiance à l’égard de l’ouïe résonne avec la formule désormais proverbiale du « je ne crois que ce que je vois ». Serait-il donc impossible de croire ce que l’on ne fait qu’entendre ? La radio serait-elle condamnée à être suspecte ? Heureusement, il existe une autre tradition philosophique qui redonne à l’ouïe ses lettres de noblesse et c’est en Nietzsche qu’elle s’incarne le mieux ; pour lui, l’ouïe constitue le sens philosophique par excellence… Tout simplement, parce que la pensée est une question d’oreille et d’écoute. « Écouter est le privilège de la sagesse », disait aussi Plutarque.
Et nous arrivons là au cœur de ce qu’est la radio : elle est sans doute le média le plus philosophique qui soit. Intrinsèquement et naturellement, la radio nous aide à cultiver le meilleur de ce que nous sommes.
Et nous arrivons là au cœur de ce qu’est la radio : elle est sans doute le média le plus philosophique qui soit. Intrinsèquement et naturellement, la radio nous aide à cultiver le meilleur de ce que nous sommes. Le meilleur, c’est d’abord l’imagination, parce que la radio, ne nous imposant aucune image, nous invite à en imaginer nous-mêmes. C’est comme si la radio parlait et que nous l’entendions deux fois, pour paraphraser le psaume 62 !
Le meilleur de nous-mêmes, c’est aussi l’attention. Dans un monde où il n’y a jamais eu autant de partage d’informations, autant de supports et de canaux de communication, nous risquons sans cesse de perdre le sens de l’écoute. Or, justement, la radio porte en elle une éthique de l’autre, que l’on réapprend à écouter. La langue française n’est pas anodine : si l’on regarde la télévision, on écoute la radio.
La langue française n’est pas anodine : si l’on regarde la télévision, on écoute la radio.
A chaque fois que l’on allume son poste de radio, on sort de soi-même, on sort de son identité et l’on est invité à expérimenter l’altérité. En outre, la radio nous enseigne à ne pas juger sur les apparences physiques, à ne pas accorder au visage, aux vêtements, l’importance qu’ils n’ont pas. Elle nous conduit au cœur de la voix d’êtres humains que nous ne voyons pas ; la voix que Platon définissait comme « le reflet de l’âme ». Oui, la radio nous rend meilleurs, en nous réapprenant à faire confiance aux autres dans leur absence présente.
Bonne fête de la radio !
[1] https://journals.openedition.org/pallas/2723?lang=en
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