Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
Nous attendons souvent beaucoup de ceux qui se trouvent dans nos vies. Que ce soient nos maris, nos épouses, nos enfants, nos parents, nos amis, nos animaux, nos collègues, nos concitoyens, nos congénères ou nos élus… Oui, nous leur demandons beaucoup. J’aimerais partager avec vous une phrase de Marceline Loridan-Ivens. Née en 1928 et morte en 2018, cette cinéaste française déportée dans le camp d’Auschwitz-Birkenau dans sa jeunesse était un être extraordinaire. Dans son livre « Ma vie Balagan » que je vous invite à lire, il est écrit quelque chose qui ne laisse pas indemne et qui fait beaucoup beaucoup réfléchir. Je la cite : "Attendre des autres ce qu’ils ne peuvent pas vous donner revient à entrer dans une prison".
Ce n’est pas tant la quantité de choses que nous demandons aux autres qui pose problème que la nature de ces choses. Nous ne pouvons pas attendre d’un poisson qu’il sache marcher, ni d’un oiseau qu’il sache coudre; nous ne pouvons pas leur reprocher de ne pas nous donner ce qu’ils ne peuvent pas nous donner. Avoir des demandes ou des besoins irréalistes à l’égard des autres crée une dépendance. Et par le cycle infernal du désir et de la déception, nous voilà enfermés en prison!
Être libre, c’est être lucide et responsable. Or, il est irresponsable d’attendre des autres ce qu’ils ne peuvent pas nous donner; et ce qu’ils ne peuvent pas nous donner, il faudra en prendre la responsabilité et aller le chercher nous-mêmes, le construire, le créer nous-mêmes. Nos rapports aux autres s’en trouveront assainis… Et nous retrouverons notre liberté ! Nous ne serons plus enfermés, nous ne serons plus confinés dans nos attentes et dans nos ressentiments.
En attendant des autres ce qu’ils ne peuvent pas nous donner, non seulement nous nous enfermons dans une prison, mais en plus, nous les enfermons dans une prison… A l’heure où notre société troublée par de nombreuses crises démultiplie les attentes et les besoins, cette lucidité à l’égard des autres, quels qu’ils soient, ne sera pas seulement un mouvement de libération, mais aussi un acte de bienveillance.
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