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Radio RCJ: Et si je faisais passer l’intérêt général avant mon intérêt particulier ?

Photo du rédacteur: gabriellehalperngabriellehalpern

Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.


Dans quelques jours, nous nous rendrons dans nos bureaux de vote, afin de glisser un nom dans une enveloppe. Par ce geste politique, chacun d’entre nous choisira celui qu’il veut voir à la tête de notre pays. Cela fait immédiatement penser aux mots[1] de Jacqueline de Romilly, grande spécialiste de la Grèce antique, à propos du vote.


Dans la ville d’Athènes, elle explique que les citoyens pratiquaient la démocratie en parlant et en écoutant les autres. La délibération se faisait à l’aide de grands argumentaires, de longs plaidoyers et d’intenses explications. Or, Jacqueline de Romilly nous rappelle cruellement que la démocratie s’exerce aujourd’hui par le vote ; or, lorsque nous votons, nous répondons par oui ou par non ou nous répondons en choisissant un nom… Mais nous ne faisons plus de commentaire ! Il n’est pas possible de nuancer le choix du nom que nous avons fait, en émettant des réserves, en complétant par « oui, mais, etc. ». Le vote est une réponse sans commentaire, un choix sans réserve possible. Autrement dit, le vote est une réponse, un choix qui ne sont pas circonstanciés et qui peuvent donc induire les vainqueurs, comme les perdants, en erreur.


Le fait d'avoir perdu la possibilité de faire un commentaire, d’émettre une réserve, le fait d’avoir perdu l'art du commentaire - donc l'art de la nuance, de la modération, de la réflexion -, est un appauvrissement immense ! Serait-ce là l’une des causes expliquant que nous tombions si souvent dans le binaire, dans le radicalisme, dans le déchaînement de violence sur les réseaux sociaux, qui deviennent le réceptacle de la parole qui n’a pas pu s’exprimer ?


Une autre question se pose, à l’aube de ce premier tour. Il est très tentant pour un citoyen de voter pour le candidat dont le programme va dans le sens de son ou de ses intérêts particuliers. Quitte à choisir le prochain président de la République, pourquoi ne pas favoriser celui qui nous favorise ? Lorsqu’un citoyen met un bulletin de vote dans l’urne, vote-t-il pour un candidat ou vote-t-il pour son intérêt particulier ? Cela semble scandaleux et pourtant, n’est-ce pas ainsi que nous sommes, - tous, absolument tous – tentés de procéder ? Pour ne pas faire tomber les citoyens dans le piège de leur intérêt particulier, les candidats à l’élection présidentielle ne devraient-ils pas proposer un programme politique d’intérêt général ?


Le jour où les citoyens mettront l’intérêt général de la France avant leur intérêt particulier, le jour où les candidats à l’élection présidentielle proposeront un projet de société d’intérêt général, la politique reprendra tout son sens et toute sa valeur[2].

[1] Jacqueline de Romilly, « L’élan démocratique dans l’Athènes ancienne », Editions de Fallois, Paris, 2005. [2] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.


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Gabrielle Halpern

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