Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
Nous avons tous en tête ces mots du psaume de David (Psaume 96) : « Chantez à l’Eternel un chant nouveau ». Ces mots m’ont toujours fait beaucoup réfléchir, parce qu’ils semblent à première vue d’une simplicité élémentaire… alors qu'ils constituent peut-être l’injonction, l’appel le plus difficile qui soit. Chanter « un chant nouveau »… Pour nous qui sommes pétris de peur face à la nouveauté, il est terriblement dur de chanter un chant nouveau ! Dans son ouvrage Masse et Puissance, l’un des plus grands intellectuels du XXe siècle, Elias Canetti, écrivait qu’"il n’y a rien que l’être humain redoute le plus que le contact avec l’inconnu. Tous ses comportements, toutes les distances qu’il adopte sont dictés par cette phobie du contact!"… Alors, se risquer à chanter un chant inconnu, mais quelle angoisse !
De fait, notre Zeitgeist, - l’esprit de notre temps -, est celui de la peur de la nouveauté. Nous sommes pétrifiés à l’idée de changer, de grandir, de vieillir. Pétrifiés à l’idée que nos vies puissent se transformer. Le nouveau, charrié par l’avenir, nous terrorise. Il y a encore un an, nous nous amusions, comme des enfants, à parler du monde d’après, comme d’un paradis perdu, mais aucun d’entre nous n’était véritablement prêt à le faire advenir. Il fallait qu’il arrive par génération spontanée, mais personne n’était prêt pour ce monde nouveau. Nous préférons nos bonnes vieilles habitudes, nos sentiers rebattus et nos points de repères, sans comprendre qu’enfermés dans notre zone de connu, nous sommes complètement morts. Et nous oublions que l’injonction du changement, du nouveau, est tout simplement l’injonction de la vie ! « Choisis la vie ! », comme il est écrit dans le Deutéronome (30 :19). Tous les vivants sont appelés à la métamorphose, les plantes, comme les animaux et les êtres humains ; il n’y a que les morts qui ne changent plus… C’est d’ailleurs peut-être cela qui rend la mort si terrible ! Nous, qui avons souvent tant de mal à vivre les changements, nous devrions nous souvenir que leur possibilité même est le luxe des vivants.
Pour chanter un chant nouveau et oublier les vieux mots usés et vidés de leur sens que nous répétons sans cesse, nous aurons besoin, comme le dit Elias Canetti, de « jeter notre ancre le plus loin possible »… vers l’autre ! Pour chanter un chant nouveau, nous devons sortir de nous-mêmes et trouver au contact des autres de quoi nous métamorphoser. Pour chanter un chant nouveau, nous aurons besoin de nous hybrider les uns les autres !
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