La philosophe Gabrielle Halpern a contribué au dernier numéro de la revue "Servir" des Anciens de l’ENA et de l’INSP consacrée au thème de la gastronomie.
Extrait: « La gastronomie est l’art de construire des ponts entre des ingrédients, des goûts, des saveurs, des parfums, des terroirs, des savoir-faire, des identités, des cultures[1] ; elle est par nature un acte d’hybridation[2]. En effet, ne s’agit-il pas, à partir d’une addition d’éléments séparés, de créer quelque chose de nouveau : une recette, un repas, un nouveau monde, en somme ?
Si la France a noué une telle relation avec la nourriture, - au point que l’on reconnaît un Français au fait qu’il parle de nourriture durant ses repas ! -, c’est peut-être parce que notre pays a compris combien la cuisine n’est pas seulement une affaire alimentaire, mais une question éminemment philosophique.
L’alimentation ne vient-elle pas interroger notre rapport au corps, à la Nature, à l’autre? Du cru au cuit, ne vient-elle pas titiller notre impatience, et donc d’une certaine manière cultiver notre relation au temps ? Il est intéressant de constater que notre alimentation se révèle aujourd’hui comme le miroir de notre société, de ses fractures, de ses angoisses, de ses fantasmes, de ses angles morts (…).
Si la gastronomie est cette hybridation entre les mondes, elle n’est pas autre chose que cet idéal du creuset républicain[3], qui nous appelle, au-delà des différences, à nous projeter dans l’intérêt général ! ».
[1] Gabrielle Halpern et Guillaume Gomez, « Philosopher et cuisiner : un mélange exquis – Le Chef et la Philosophe », Editions de l’Aube, 2022.
[2] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.
[3] Gabrielle Halpern, « La Fable du centaure », Humensciences, 2022 (BD illustrée par Didier Petetin).
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