© Domaine public - Saint Augustin par Philippe de Champaigne
« Pour qu’il y eut un commencement, l’homme a été créé »
Saint Augustin, Cité de Dieu – repris par Hannah Arendt dans La vie de l’esprit et dans Les Origines du totalitarisme.
Saint Augustin a imaginé un magnifique commentaire des premiers chapitres de la Genèse, dans la Bible, lorsqu’il écrit dans la Cité de Dieu qu’afin que le commencement fût, un homme a été créé… Il ne s’agit pas d’un simple commentaire, mais de l’expression d’une véritable vision de l’être humain. Cette conception extrêmement puissante du rôle de l’homme dans le monde a été reprise et développée par Hannah Arendt, qui avait consacré sa thèse de doctorat à Saint Augustin, sous la direction de Karl Jaspers.
Hannah Arendt reprend à son compte cette idée et défend cette philosophie de l’initiative. Contrairement à ce que beaucoup d’entre nous pensons, l’être humain ne se définit pas par sa raison, mais par sa spontanéité. C’est sa capacité à initier du changement, de l’inédit, de l’insolite, de l’action, qui constitue sa singularité et forme le sens de sa vie.
Ce n’est pas « je pense, donc je suis », mais « je commence, donc je suis ». Nous pourrions presque dire que l’être humain est par essence un « startuper », au sens propre du mot – to start up : commencer !
Cette capacité de spontanéité permet à l’être humain de faire des pas de côté, de s’échapper de toute logique déterministe, de prendre la tangente… Autrement dit, d’être libre ! Avoir la capacité d’initier quelque chose de nouveau, d’improbable, de contradictoire est en outre un extraordinaire paratonnerre contre toute tentation idéologique, contre toute velléité de totalitarisme, contre tout risque d’emprisonnement dans le passé ou dans la passivité. La fonction de l’être humain dans le monde est d’y introduire de la liberté.
C’est parce qu’il existe en nous un indestructible pouvoir de commencer qu’il faut être optimiste face à l’avenir, même si la Covid-19 y a semé bien des nuages. Partout dans le monde fleurissent des initiatives extraordinaires, des pas de côté d’une incroyable créativité ; les métiers se réinventent, les entreprises, petites et grandes, les produits et les services se métamorphosent pour survivre et s’adapter à la nouvelle donne, loin des prophètes de malheur et des pythies de la crise. Notre pouvoir de commencer, d’initier, de créer pourra avoir raison des crises, des fractures, des menaces dont beaucoup se repaissent.
L’expression « startup Nation » a pris ces dernières années une dimension politique, mais il est temps de quitter des polémiques absurdes et de revenir à ce qu’elle signifie au sens propre : une startup Nation est une Nation de commencements, d’initiatives, de pas de côté, qui s’échappe des scénarios déjà écrits, qui n’a pas peur de se contredire et qui fait de la spontanéité une manière de vivre.
La tentation, chez certains, est grande d’enfermer la France dans une case ou dans une autre; il nous faudrait au contraire la libérer de ces visions étroites et imaginer pour elle, grâce à un véritable projet de société, un nouveau commencement.
Si le startuper est littéralement un « commenceur », un « initiateur », alors soyons tous startupers !
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