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Interview dans AJFP: "Il est urgent de développer l'hybridation dans les administrations"


La philosophe Gabrielle Halpern a accordé une longue interview à AJFP (Actualité Juridique de la Fonction Publique), afin de partager avec les lecteurs ses travaux de recherche en philosophie sur l'hybridation et leurs implications pour repenser le travail au sein des administrations.


"Ceux qui utilisent le terme d’hybridation pour signifier que c’est « ajouter du numérique à ce que je fais » ou faire du « présentiel et du distanciel » ou « du télétravail et du bureau », n’ont rien compris à la révolution de l’hybridation ! Le « travail hybride »[1] n’est pas un sujet numérique ; il interroge les frontières de l’administration, les frontières entre les métiers/les activités/les tâches/les services, les frontières des catégories juridiques, la capacité à lutter contre une pulsion d’homogénéité qui enferme l’administration dans une culture interne tellement forte qu’elle est démunie face à l’altérité et à l’imprévisible ou encore la capacité d’une administration à ouvrir sa gouvernance et ses processus de décision. Cette tierce-manière de travailler n’en est qu’à ses prémisses ; il faudra du temps pour la construire. C’est précisément le thème d’un gros travail de recherche que je mène actuellement…", Gabrielle Halpern

"Nous savons que nous avons quitté la société industrielle pour entrer dans une société de services. Mais si la tendance d’hybridation progresse, nous entrerons peu à peu dans une « société de la relation » [2]… Or, le service et la relation n’ont absolument rien à voir ! Le service, c’est ce que l’on apporte aux clients, aux habitants, aux administrés, aux citoyens, c’est une approche unilatérale. La relation, elle, est beaucoup plus difficile, parce qu’elle est bilatérale… Quelle est la relation que je crée et que je propose à l’autre pour qu’il ait envie d’y entrer et de s’y impliquer ? On le voit bien à l’échelle politique : les citoyens veulent être impliqués ; on le voit à l’échelle professionnelle : les agents publics veulent être impliqués. On ne peut plus continuer dans l’unilatéral… Quand allons-nous passer du service public à la relation publique ? Il va falloir repenser les services publics pour qu’ils soient un levier de véritables relations publiques ; ce qui, - contrairement à ce que beaucoup prônent -, ne passera pas par une dématérialisation et une numérisation tous azimuts favorisant l’émergence de citoyens-consommateurs, bien au contraire !", Gabrielle Halpern

"Elias Canetti, - l’un des plus grands intellectuels du XXe siècle -, écrivait à propos des métamorphoses que « bien peu se rendent compte qu’ils lui doivent le meilleur de ce qu’ils sont » »… Le modèle managérial public idéal ne serait-il pas celui qui permet, qui facilite les métamorphoses de chacun au lieu d’assigner à résidence d’un métier, d’une fonction, d’une formation, d’une fiche de poste ? La crise de sens et le mal-être au travail actuels ne sont-ils pas une révolte contre l’interdit ou l’empêchement de la métamorphose qui peut régner dans le monde du travail ? Le rôle des managers, leur responsabilité ne sont-ils pas de rendre les métamorphoses possibles[3] ?", Gabrielle Halpern

[1] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020. [2] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.

[3] Note de Gabrielle Halpern, « Canetti, un maître à penser ? », publiée par la Fondation Jean Jaurès https://www.jean-jaures.org/publication/canetti-un-maitre-a-penser/


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