A l'occasion de son intervention aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence et dans le contexte des élections législatives, la philosophe Gabrielle Halpern a accordé un grand entretien au journal Ouest France (entretien réalisé par le journaliste Patrice Moyon).
""Ce que l’on n’est pas encore capable d’exprimer se dérobe également au regard", écrivait Elias Canetti, l’un des plus grands intellectuels du XXe siècle. La communication n’a jamais pris autant de place dans notre société et semble s’imposer comme un incontournable de toute entreprise, de toute personnalité politique, de toute association ou encore de toute personne physique. Désormais sous l’effet notamment des réseaux sociaux, chacun d’entre nous peut avoir une parole publique. Et pourtant quelque chose nous échappe. Ce sont tous les angles morts de ce qui a été tu qui reviennent comme un boomerang dans la situation politique actuelle", Gabrielle Halpern
"Alors que nous n’avons jamais été aussi bavards par nos SMS, nos emails, alors que les entreprises, les élus n’ont jamais autant parlé, il semble surprenant de penser qu’il demeure tant de non-dits. La question est de savoir si les vulnérabilités, les failles de notre société ne grandissent pas dans l’angle mort de ce qui a été tu. Les non-dits renforcent-ils les fractures ? Ceux qui ne sont pas l’objet, ceux qui ne sont pas le sujet du discours sont-ils condamnés à demeurer invisibles ? Les territoires, les métiers, les secteurs, les générations qui demeurent inexprimés sont-ils voués à être invisibilisés ? (…)", Gabrielle Halpern
"Nous passons notre temps à voir la France de façon complètement morcelée. Il y a les agriculteurs, les startupers, les artisans, le médico-social, les métiers manuels, intellectuels. Nous passons notre temps à créer des frontières absurdes et artificielles entre les générations et les métiers, les territoires. Il y a le cœur de ville, la ruralité, la banlieue… Cela a des incidences très pratiques dans notre vie quotidienne et débouche sur des politiques catégorielles. Il y a ce qu’on fait pour les jeunes, le grand âge, les agriculteurs, les startupers, etc. Sans s’en rendre compte, ces petites frontières absurdes qu’on crée entre ces mondes renforcent les fractures dans notre société. Cela ne date pas d’hier. Je suis tombée récemment sur une phrase de Jean-Jacques Rousseau dans Le discours des sciences et des arts au XVIIIe siècle. Que dit-il ? « Nous avons des physiciens, des géomètres, des chimistes, des astronomes, des poètes,, des musiciens, des peintres ; nous n’avons plus de citoyens ». Cette phrase, on en a vu la plus terrible manifestation pendant les débats des élections présidentielles. J’ai été choquée que dans les différents déplacements des candidats, les Français les interpellent en demandant : qu’est-ce que vous allez faire pour moi ? C’est comme s’il n’y avait plus de citoyens, mais une addition d’intérêts particuliers", Gabrielle Halpern
Lire la suite de l'entretien dans Ouest France : https://www.ouest-france.fr/societe/entretien-gabrielle-halpern-la-france-va-peut-etre-mieux-quon-ne-le-dit-94375780-3a81-11ef-a94b-3d33d29d1a10
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