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Courrier des Maires - Grand entretien avec la philosophe Gabrielle Halpern à l'aube du Congrès des Maires

Photo du rédacteur: gabriellehalperngabriellehalpern


Alors que le Congrès des Maires se tient prochainement à Paris, la philosophe Gabrielle Halpern a accordé une interview au Courrier des Maires, afin de présenter son nouveau livre "Créer des ponts entre les mondes - Une philosophe sur le terrain" (Fayard) dans lequel elle développe sa philosophie de l'hybridation et ses implications pour repenser l'action publique locale, le développement territorial, la gouvernance ou encore la cohésion sociale.


"Entre biographie et récit d’un cheminement intellectuel, entre road-trip philosophique à la rencontre de mondes bien éloignés et tissage du fil l’ayant mené à promouvoir son concept d’« hybridation », l’ouvrage de la philosophe Gabrielle Halpern « Créer des ponts entre les mondes » ne manquera pas de susciter l’intérêt dans les contrées, plus ou moins reculées, où l’on s’interroge sur l’avenir de la Cité avec un grand C. Et où l’on se rêve à imaginer un monde où les notions de « cohésion » ou de « partenariat » entre territoires seraient moins galvaudées… Entretien, à la veille de la grand-messe d'un petit monde, celui des élus locaux, bientôt réunis au Congrès des maires 2024" (Aurélien Hélias, rédacteur en chef du Courrier des Maires).

"Nous assistons aujourd'hui à une remise en question d'une logique qui a structuré jusqu’à présent l’action territoriale, sa méthode, sa gouvernance, ses projets et son positionnement. En effet, elle reposait jusqu’à présent sur trois principes de la logique aristotélicienne : le principe d’identité, autrement dit A est A ; le principe de non-contradiction, c’est-à-dire que A ne peut pas être non-A ; et enfin, le principe du tiers-exclu (soit A, soit B), autrement dit « de deux choses l’une ». L’action publique, et notamment l’action publique territoriale, a malheureusement fait siens ces principes qui sont de plus en plus inadéquats avec la réalité de plus en plus hybride : la réversibilité des espaces, des usages et des activités, par exemple, dans un contexte de rareté des ressources et des surfaces constructibles disponibles, remet radicalement en question le principe d’identité (une école est une école qui peut devenir autre chose le soir et le week-end, par exemple), les nouveaux équilibres de vies privée et professionnelle remettent en question le principe de non-contradiction, etc. Comment l’action publique territoriale peut-elle s’adapter à des situations d’entre-deux, de pluri-appartenances et d’emboîtements d’échelles de plus en plus nombreuses ? Comment peut-elle sortir de l’impuissance dans laquelle elle se trouve souvent ? Pour reprendre les mots de la philosophe Hannah Arendt, l’action ne serait-elle pas devenue elle aussi « une expérience de privilégiés » ? Pour redonner du sens, de la valeur et de la force à l’action publique locale, il lui faudrait peut-être s’inscrire dans une philosophie de l’hybridation, qui repose sur d’autres principes", Gabrielle Halpern

"Si l’action publique se réduit à « être en réaction » face à des citoyens-consommateurs demandant une solution pour chaque intérêt particulier, elle perdra de sa légitimité, non pas au sens propre, mais au sens figuré, elle passera à côté de l’exercice de ses compétences et elle ne saura assumer la responsabilité qui est la sienne de l’intérêt général. In fine, il n’y aura plus d’action publique à proprement parler. C’est à l’aune de son degré d’imagination à concevoir de nouveaux projets de transport, de développement d’énergies, de services publics pluriels, d’événements fédérateurs que l’action publique devra être jugée. C’est ce positionnement d’« initiateur de commencements » qui permettra aux pôles métropolitains de dépasser les antagonismes identitaires, la juxtaposition des intérêts particuliers ou encore les inégalités territoriales et sociales. Par ailleurs, si le contenu du mandat de chaque élu est territorialisé, la capacité des pôles métropolitains à proposer des politiques publiques communes inédites donnera un sens à leur mandat au-delà de leur territoire d’élection. Si un pôle métropolitain n’est qu’une échelle de gouvernance de plus, alors il n’aura pas d’intérêt, mais s’il est une échelle de création de projets inédits, jugés improbables, son imagination touchera celle des citoyens et réveillera en eux leur capacité à rêver. C’est l’imagination en tant que valeur politique retrouvée qui formera la base d’un sentiment d’appartenance renouvelé de la part des citoyens", Gabrielle Halpern

"Un territoire doit être considéré comme un écosystème de relations à provoquer, à cultiver, à développer. Demain, on évaluera un territoire selon sa capacité d’hybridation entre les mondes ; demain, on évaluera l’action publique territoriale selon sa capacité à imaginer de nouvelles hybridations possibles entre les mondes, à les mettre en œuvre, à les développer, à les garantir et à les métamorphoser. Cela ouvre la voie à une nouvelle philosophie de l’intervention, de l’action publique locale", Gabrielle Halpern


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