La philosophe Gabrielle Halpern a participé à un colloque international organisé par GRENE (Groupe de recherche en neurosciences & éducation) à Angers. Elle a partagé sa vision des enjeux de l'éducation avec un parterre de près d'un millier de participants, venus des quatre coins du monde. Au cours d'une conférence d'une heure, elle a décrit la manière dont ses travaux de recherche en philosophie sur l'hybridation permettent de repenser l'école.
@crédits photo RL Photographe Régine Lemarchand
"Créer des ponts entre les mondes, c’est justement ce que je cherche à faire à travers mes travaux de recherche, en forgeant progressivement la philosophie de l’hybridation[4]. Malheureusement, le système scolaire nous apprend dès le plus jeune âge à établir des barrières entre les mondes. A l’âge adulte, il ne faut pas s’étonner que ces frontières se changent en silos, en prisons, puis en fractures. A part l’enseignement agricole, particulièrement visionnaire et pionnier et dont on devrait davantage s’inspirer, dans les écoles et les universités, chaque discipline, chaque professeur, chaque « matière » existe à côté des autres, sans qu’il y ait d’entrecroisement ni de rencontre, comme si cela constituerait une transgression. Une école profondément hybride briserait dès le départ les logiques disciplinaires pour créer des ponts entre les mathématiques et les arts plastiques, l’histoire et la littérature, la géographie et le sport, les langues et la musique. Pourquoi ne pas lier histoire et musique quand il s’agit d’apprendre la Marseillaise ? Pourquoi ne pas entremêler mathématiques et sport quand il s’agit d’apprendre à compter les pompes et les sauts ? Comment construire chez les enfants un réflexe d’hybridation ? On pourrait nous rétorquer qu’il faut d’abord bien ancrer les disciplines dans l’esprit des élèves, avant qu’ils ne soient capables, plus tard, de construire eux-mêmes des ponts entre elles. Cet argument est faux : l’hybridation ne signifie en aucun cas la fusion. On peut tout à fait expliquer ce qu’est le champ des mathématiques et initier les élèves à l’art de construire des ponts avec d’autres disciplines pour les inviter à métamorphoser leur vision des mathématiques et à inventer des milliers de nouveaux cas d’usages de cette science. Il est faux que l’on fait soi-même des ponts, « plus tard, tout seul, quand on sera grand ». Les ponts, il faut apprendre à les imaginer et à les construire dès le plus jeune âge. Si ce désir des ponts, si cette imagination des ponts n’est pas provoquée et cultivée par les professeurs, par les parents, par l’entourage, dans l’enfance, ils ne naîtront pas plus tard par génération spontanée. Ils seront certes toujours possibles, à l’âge adulte, mais ils seront plus douloureux et difficiles. La capacité d’hybridation, l’amour de la métamorphose par l’hétéroclite s’enseignent, se transmettent, se travaillent", Gabrielle Halpern
@crédits photo RL Photographe Régine Lemarchand
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Pour en savoir plus: https://colloqueinternationalneurosciences-2024.site.calypso-event.net
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