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Photo du rédacteurgabriellehalpern

Atelier Philo RCJ : « Penser les langues »


La philosophe Gabrielle HALPERN propose tous les mois, aux côtés de la journaliste Laurence Goldman, un atelier Philo sur Radio RCJ autour d'une grande notion d'actualité.


Aujourd'hui, il s'agit d'aborder la question des langues et leur rôle dans la société... Gabrielle Halpern est aux côtés de l’écrivain et traducteur, Valérie Zenatti, et du traducteur et éditeur, Gilles Rozier.


@DR, de gauche à droite: Laurence Goldman, Gabrielle Halpern, Valérie Zenatti, Gilles Rozier.


"Quel est le pouvoir d’une langue ? Que dit une langue sur le peuple qui la parle ? Comment se construit une langue ? En quoi une langue est-elle porteuse d’une identité, voire d’une philosophie ? Une langue peut-elle sauver un monde de l’oubli ? Lorsque nous lisons une œuvre de littérature dans une langue étrangère, quel est le rôle de celui qui nous la restitue dans notre langue à nous ? Est-il un passeur, un interprète ou parfois, un traître involontaire du récit qu’il nous soumet?", Gabrielle Halpern

"Le célèbre adage italien « Traduttore, traditore », - « traduire, c’est trahir » -, a tellement imprégné notre imaginaire qu’il a presque irrémédiablement entaché le rôle et la place des traducteurs. Que nous le voulions ou non, que cela soit conscient ou non, nous éprouvons une méfiance à leur égard. Ils sont suspects, douteux, peu fiables. Aujourd’hui encore, le peu d’hommages dont les traducteurs bénéficient témoigne de cette méfiance à leur égard. Rarement cités, ils sont comme le fantôme invisible dont on décèle la présence, mais que l’on veut mieux oublier. Le traducteur est semblable à un centaure, qui n’entre dans aucune de nos cases. Il n’est pas vraiment écrivain, même s’il un rôle d’écriture. Il est impossible de coller une étiquette sur un traducteur, ni de lui attribuer une identité. Il n’entre dans aucune case, précisément parce que son rôle est de faire dialoguer les cases ! Comme cette figure hybride du centaure, il a ce rôle héroïque, parfois douloureux, de passeur entre des mondes et des visions du monde radicalement différents ; il construit des ponts entre des langues, des passerelles entre des repères, entre des imaginaires. Il a cette responsabilité de percer les frontières, de les rendre poreuses et traversables… Il a cette mission d’hybrider. En allemand, les mots pour dire « traduction », - Übersetzung et Übertragung -, expriment un passage ou un transport au-delà, de l'autre côté[1]. En hébreu, le mot « traduction » se dit « targoum », avec l’idée sous-jacente de « cible » : c’est bien l’image du centaure avec son arc et sa flèche qui s’apparente à celle du traducteur.  Comme le disait Kazuyoshi Yoshikawa[2], le traducteur de Proust en japonais, la traduction doit être assumée comme « transformation », parce que « traduire, c’est trahir, mais pour être plus fidèle à l’original ». Elle doit être assumée comme hybridation, parce que la littérature étouffe dans les cases et ne peut survivre que dans les métamorphoses. Sans les traducteurs en littérature, sans les interprètes à l’opéra, les chefs d’œuvre ne pourraient pas traverser les frontières !", Gabrielle Halpern





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